L’exception d’inexécution face à la rupture brutale des relations commerciales établies

Lorsqu’un différend inconciliable naît entre les parties à un contrat et que la pérennité de la relation entre ces mêmes parties semble compromise, ces dernières ont tendance à laisser leur relation se détériorer jusqu’au moment où l’une d’entre elles opérera une modification substantielle du contrat et se verra imputer la rupture de la relation. 

Toutefois, afin de ne pas se voir imputer la rupture de la relation, plusieurs sociétés ont récemment soulevé un moyen pour le moins original : l’exception d’inexécution.

Ce principe, consacré par la jurisprudence, est aujourd’hui codifié à l’article 1220 du Code civil depuis la réforme de 2016.

L’exception d’inexécution permet à une partie de suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécute plus et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle.

En d’autres termes, si une partie n’exécute pas ses obligations, l’autre partie est autorisée à en faire autant.

Aux termes de deux récents arrêts, le premier de la Cour d’appel de Paris, le second de la Cour de cassation, deux sociétés, accusées par leur cocontractant d’avoir rompu brutalement leurs relations commerciales, s’étaient défendues en invoquant n’avoir volontairement pas exécuté leurs obligations contractuelles du fait des propres manquements de leur cocontractant.

Dans le premier arrêt du 7 juin 2017, la société Provaldis, société spécialisée dans l’achat et la vente de produits alimentaires, reprochait à la société Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l’Est (CSME), société spécialisée dans la production et la commercialisation de sel, d’avoir cessé de lui livrer de la marchandise et donc, d’avoir rompu brutalement leur relation commerciale.

En défense, la société CSME demandait à la Cour de constater que la société Provaldis lui devait la somme de 63 000 € au titre de diverses factures et donc, qu’elle n’avait commis aucune faute en cessant de livrer cette dernière.

Cet argument a été entendu par la Cour d’appel puisque cette dernière a jugé que «  la société CSME démontr(ait) que la société Provaldis avait un arriéré important de paiement lorsqu’elle a arrêté, en mai 2013, de l’approvisionner » et que « ce défaut de paiement constitu(ait) une faute de nature à priver la rupture de son caractère brutal ».

Dans le second arrêt, rendu le 8 juin 2017 par la Cour de cassation, la société Medimat reprochait à la société Hammel de ne pas lui avoir livré des pièces de rechange et donc, d’avoir rompu brutalement leur relation commerciale.

En défense, la société Hammel justifiait ne pas avoir livré les pièces de rechange à la société Medimat du fait du défaut de paiement d’une facture d’un montant de près de 2 000 € par cette dernière.

Ce moyen avait été retenu par les juges d’appel.

En effet, la Cour d’appel avait jugé que, du fait de ce défaut de paiement, il n’était pas possible d’imputer la rupture des relations commerciales à la seule société Hammel.

La Cour de cassation a toutefois cassé cet arrêt au motif que les juges du fond ne démontraient pas que « la société Hammel pouvait opposer à la société Medimat le défaut de paiement de (sa) facture » alors que celle-ci était contestée par la société Medimat.

 Si la Cour de cassation a cassé la décision des juges du fond, elle semble quand même ici aussi admettre la possibilité d’opposer l’exception d’inexécution à la partie qui se prétend victime de la rupture.

En définitive, préalablement à toute action, la partie souhaitant invoquer en justice la rupture brutale de son contrat aux torts de son cocontractant devra s’assurer ne pas avoir elle même manqué à ses propres obligations contractuelles.

FOUSSAT AVOCATS, PARIS / BRUXELLES / MARSEILLE

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