Droit européen de l’agent commercial : la directive du 18 juin 1986

DIRECTIVE DU CONSEIL du 18 décembre 1986

relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants

(86/653/CEE)

LE CONSEIL DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 57 paragraphe 2 et son article 100,

vu la proposition de la Commission,

vu l’avis de l’Assemblée,

vu l’avis du Comité économique et social,

considérant que les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services pour les activités d’intermédiaires du commerce, de l’industrie et de l’artisanat ont été supprimées par la directive 64/224/CEE ;

considérant que les différences entre les législations nationales en matière de représentation commerciale affectent sensiblement, à l’intérieur de la Communauté, les conditions de concurrence et l’exercice de la profession et portent atteinte au niveau de protection des agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, ainsi qu’à la sécurité des opérations commerciales; que, par ailleurs, ces différences sont de nature à gêner sensiblement l’établissement et le fonctionnement des contrats de représentation commerciale entre un commettant et un agent commercial établis dans des États membres différents ;

considérant que les échanges de marchandises entre États membres doivent s’effectuer dans des conditions analogues à celles d’un marché unique, ce qui imposte le rapprochement des systèmes juridiques des États membres dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement de ce marché commun; que, à cet égard, les règles de conflit de lois, même unifiées, n’éliminent pas, dans le domaine de la représentation commerciale, les inconvénients relevés ci-dessus et ne dispensent dès lors pas de l’harmonisation proposée ;

considérant, à cet égard, que les rapports juridiques entre l’agent commercial et le commettant doivent être pris en considération par priorité ;

considérant qu’il y a lieu de s’inspirer des principes de l’article 17 du traité en procédant à une harmonisation dans le progrès de la législation des États membres concernant les agents commerciaux ;

considérant que des délais transitoires supplémentaires doivent être accordés à certains États membres soumis à des efforts particuliers pour adapter leurs réglementations aux exigences de la présente directive, concernant notamment l’indemnité après la cessation du contrat entre le commettant et l’agent commercial,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :

CHAPITRE PREMIER

Champ d’application

Article premier

1. Les mesures d’harmonisation prescrites par la présente directive s’appliquent aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants.

2. Aux fins de la présente directive, l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, ci-après  dénommée «commettant», soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant.

3. Un agent commercial aux fins de la présente directive ne peut être notamment :

– une personne qui, en qualité d’organe, a le pouvoir d’engager une société ou association,

– un associé qui est légalement habilité à engager les autres associés,

– un administrateur judiciaire, un liquidateur ou un syndic de faillite.

Article 2

1. La présente directive ne s’applique pas :

– aux agents commerciaux dont l’activité n’est pas rémunérée,

– aux agents commerciaux dans la mesure où ils opèrent dans les bourses de commerce ou sur les marchés de matières premières,

– à l’organisme connu sous l’appellation de «Crown Agents for Overseas Governments and Administrations», tel qu’il a été institué au Royaume-Uni en vertu de la loi de 1979 relative aux «Crown Agents», ou à ses filiales.

2. Chacun des États membres a la faculté de prévoir que la directive ne s’applique pas aux personnes qui exercent les activités d’agent commercial considérées comme accessoires selon la loi de cet État membre.

CHAPITRE II

Droits et obligations

Article 3

1. L’agent commercial doit, dans l’exercice de ses activités, veiller aux intérêts du commettant et agir loyalement et de bonne foi.

2. En particulier, l’agent commercial doit:

a) s’employer comme il se doit à la négociation et, le cas échéant, à la conclusion des opérations dont il est chargé ;

b) communiquer au commettant toute information nécessaire dont il dispose ;

c) se conformer aux instructions raisonnables données par le commettant.

Article 4

1. Dans ses rapports avec l’agent commercial, le commettant doit agir loyalement et de bonne foi.

2. En particulier, le commettant doit :

a) mettre à la disposition de l’agent commercial la documentation nécessaire qui a trait aux marchandises concernées ;

b) procurer à l’agent commercial les informations nécessaires à l’exécution du contrat d’agence, notamment aviser l’agent commercial dans un délai raisonnable dès qu’il prévoit que le volume des opérations commerciales sera  sensiblement inférieur à celui auquel l’agent commercial aurait pu normalement s’attendre.

3. Le commettant doit, par ailleurs, informer l’agent commercial, dans un délai raisonnable, de son acceptation, de son refus ou de l’inexécution d’une opération commerciale qu’il lui a apportée.

Article 5

Les parties ne peuvent pas déroger aux dispositions des articles 3 et 4.

CHAPITRE III

Rémunération

Article 6

1. En l’absence d’accord à ce sujet entre les parties et sans préjudice de l’application des dispositions obligatoires des États membres sur le niveau des rémunérations, l’agent commercial a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués là où il exerce son activité et pour la représentation des marchandises faisant l’objet du contrat d’agence. En l’absence de tels usages, l’agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l’opération.

2. Tout élément de la rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires sera considéré comme constituant une commission aux fins de la présente directive.

3. Les articles 7 à 12 ne s’appliquent pas dans la mesure ou l’agent commercial n’est pas rémunéré en tout ou en partie à la commission.

Article 7

1. Pour une opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission :

a) lorsque l’opération a été conclue grâce à son intervention

ou

b) lorsque l’opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.

2. Pour une opération conclue pendant la durée du contrat d’agence, l’agent commercial a également droit à la commission :

– soit lorsqu’il est chargé d’un secteur géographique ou d’un groupe de personnes déterminées,

– soit lorsqu’il jouit d’un droit d’exclusivité pour un secteur géographique ou un groupe de personnes déterminées, et que l’opération a été conclue avec un client appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

Les États membres doivent insérer dans leur loi l’une ou l’autre possibilité visée aux deux tirets ci-dessus.

Article 8

Pour une opération commerciale conclue après la cessation du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission :

a) si l’opération est principalement due à l’activité qu’il a déployée au cours du contrat d’agence et si l’opération est conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation de ce contrat

ou

b) si, conformément aux conditions visées à l’article 7, la commande du tiers a été reçue par le commettant ou par l’agent commercial avant la cessation du contrat d’agence.

Article 9

L’agent commercial n’a pas droit à la commission visée à l’article 7 si celle-ci est due, en vertu de l’article 8, à l’agent commercial précédent, à moins qu’il ne résulte des circonstances qu’il est équitable de partager la commission entre les agents commerciaux.

Article 10

1. La commission est acquise dès que et dans la mesure où l’une des circonstances suivantes se présente :

a) le commettant a exécuté l’opération ;

b) le commettant devrait avoir exécuté l’opération en vertu de l’accord conclu avec le tiers ;

c) le tiers a exécuté l’opération.

2. La commission est acquise au plus tard lorsque le tiers a exécuté sa part de l’opération ou devrait l’avoir exécutée si le commettant avait exécuté sa part de l’opération.

3. La commission est payée au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle était acquise.

4. Il ne peut être dérogé par accord aux dispositions des paragraphes 2 et 3 au détriment de l’agent commercial.

Article 11

1. Le droit à la commission ne peut s’éteindre que si et dans la mesure où :

– il est établi que le contrat entre le tiers et le commettant ne sera pas exécuté

et

– l’inexécution n’est pas due à des circonstances imputables au commettant.

2. Les commissions que l’agent commercial a déjà perçues sont remboursées si le droit y afférent est éteint.

3. Il ne peut être dérogé par accord à la disposition du paragraphe 1 au détriment de l’agent commercial.

Article 12

1. Le commettant remet à l’agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments essentiels sur la base desquels le montant des commissions a été calculé.

2. L’agent commercial a le droit d’exiger que lui soient fournies toutes les informations, en particulier un extrait des livres comptables, qui sont à la disposition du commettant et qui lui sont nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

3. Il ne peut être dérogé par accord aux dispositions des paragraphes 1 et 2 au détriment de l’agent commercial.

4. Cette directive n’interfère pas avec les dispositions internes des États membres qui reconnaissent à l’agent commercial un droit de regard sur les livres comptables du commettant.

CHAPITRE IV

Conclusion et fin du contrat d’agence

Article 13

1. Chaque partie a le droit, sur demande, d’obtenir de l’autre partie un écrit signé mentionnant le contenu du contrat d’agence y compris celui des avenants ultérieurs. Il ne peut être renoncé à ce droit.

2. Nonobstant le paragraphe 1, un État membre peut prescrire qu’un contrat d’agence n’est valable que s’il est constaté par écrit.

Article 14

Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat d’agence à durée indéterminée.

Article 15

1. Lorsque le contrat d’agence est conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant préavis.

2. La durée du préavis est d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts.

3. Les États membres peuvent fixer la durée de préavis à quatre mois pour la quatrième année du contrat, à cinq mois pour la cinquième année et à six mois pour la sixième année et les années suivantes. Ils peuvent décider que les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts.

4. Si les parties conviennent de délais plus longs que ceux qui sont prévus par les paragraphes 2 et 3, le délai de préavis à respecter par le commettant ne doit pas être plus court que celui que devra observer l’agent commercial.

5. Pour autant que les parties n’en aient pas disposé autrement, la fin du délai de préavis doit coïncider avec la fin d’un mois civil.

6. Le présent article s’applique au contrat de durée déterminée transformé, en vertu de l’article 14, en un contrat de durée indéterminée, étant entendu que, dans le calcul de la durée du préavis, doit intervenir la durée déterminée qui précède.

Article 16

La présente directive ne peut interférer avec l’application du droit des États membres lorsque celui-ci prévoit la fin du contrat sans délai :

a) en raison d’un manquement d’une des parties à exécuter tout ou partie de ses obligations ;

b) lorsque surviennent de circonstances exceptionnelles.

Article 17

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l’agent commercial, après cessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3.

2. a) L’agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où :

– il a apporté de nouveaux clients au commettant ou développé sensiblement les opérations avec les clients existants et le commettant a encore des avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients

et

– le paiement de cette indemnité est équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment des commissions que l’agent commercial perd et qui résultent des opérations avec ces clients. Les États membres peuvent prévoir que ces circonstances comprennent aussi l’application ou non d’une clause de non-concurrence au sens de l’article 20.

b) Le montant de l’indemnité ne peut excéder un chiffre équivalent à une indemnité annuelle calculée à partir de la moyenne annuelle des rémunérations touchées par l’agent commercial ou cours de cinq dernières années et, si le contrat remonte à moins de cinq ans, l’indemnité est calculée sur la moyenne de la période.

c) L’octroi de cette indemnité ne prive pas l’agent commercial de faire valoir des dommages-intérêts.

3. L’agent commercial a droit à la réparation du préjudice que lui cause la cessation de ses relations avec le commettant.

Ce préjudice découle notamment de l’intervention de la cessation dans des conditions:

– qui privent l’agent commercial des commissions dont l’exécution normale du contrat lui aurait permis de bénéficier tout en procurant au commettant des avantages substantiels liés à l’activité de l’agent commercial,

– et/ou qui n’ont pas permis à l’agent commercial d’amortir les frais et dépenses qu’il a engagés pour l’exécution du contrat sur la recommandation du commettant.

4. Le droit à l’indemnité visé au paragraphe 2 ou la réparation du préjudice visée au paragraphe 3 naît également lorsque la cessation du contrat intervient à la suite du décès de l’agent commercial.

5. L’agent commercial perd le droit à l’indemnité dans les cas visés au paragraphe 2 ou à la réparation du préjudice dans le cas visés au paragraphe 3 s’il n’a pas notifié au commettant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits.

6. La Commission soumet au Conseil, dans un délai de huit ans à compter de la notification de la présente directive, un rapport consacré à la mise en oeuvre du présent article et lui soumet, le cas échéant, des propositions de modifications.

Article 18

L’indemnité ou la réparation visée à l’article 17 n’est pas due :

a) lorsque le commettant a mis fin au contrat pour un manquement imputable à l’agent commercial et qui justifierait, en vertu de la législation nationale, une cessation du contrat sans délai;

b) lorsque l’agent commercial a mis fin au contrat, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances attribuables au commettant ou par l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial en raison desquels la poursuite de ses activités ne peut raisonnablement plus être exigée de lui ;

c) lorsque, selon un accord avec le commettant, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence.

Article 19

Les parties ne peuvent pas, avant l’échéance du contrat, déroger aux dispositions des articles 17 et 18 au détriment de l’agent commercial.

Article 20

1. Aux fins de la présente directive, une convention qui prévoit une restriction des activités professionnelles de l’agent commercial après la cessation du contrat est dénommée clause de non-concurrence.

2. Une clause de non-concurrence n’est valable que si et dans la mesure où :

a) elle a été établie par écrit

et

b) elle vise le secteur géographique ou le groupe de personnes et le secteur géographique confiés à l’agent commercial ainsi que le type de marchandises dont il avait la représentation aux termes du contrat.

3. La clause de non-concurrence n’est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation du contrat.

4. Le présent article n’affecte pas les dispositions de droit national qui apportent d’autres restrictions à la validité ou à l’applicabilité des clauses de non-concurrence ou qui prévoient que les tribunaux peuvent diminuer les obligations des parties découlant d’un tel accord.

CHAPITRE V

Dispositions générales et finales

Article 21

Aucune disposition de la présente directive ne peut obliger un État membre à prévoir la divulgation de données au cas où cette divulgation serait contraire à l’ordre public.

Article 22

1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 1er janvier 1990. Ils informent immédiatement la Commission. Lesdites dispositions s’appliquent au moins aux contrats conclus après leur mise en vigueur. Elles s’appliquent aux contrats en cours le 1er janvier 1994 au plus tard.

2. À compter de la notification de la présente directive, les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles d’ordre législatif, réglementaire ou administratif qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.

3. Toutefois, en ce qui concerne l’Irlande et le Royaume-Uni, la date du 1er janvier 1990 visée au paragraphe 1 est remplacée par celle du 1er janvier 1994.

En ce qui concerne l’Italie, cette date est remplacée par le 1er janvier 1993 pour ce qui concerne les obligations découlant de l’article 17.

Article 23

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Bruxelles, le 18 décembre 1986.

Par le Conseil

Le président

M. JOPLING

 

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