Le respect d’une clause contractuelle de résiliation n’empêche pas la rupture brutale de relation commerciale établie

Aux termes d’un arrêt du 12 septembre 2013, la Cour d’appel de Paris rappelle, d’une part qu’une succession de contrats peut constituer une relation établie, d’autre part qu’une clause de résiliation de plein droit n’écarte pas les dispositions de l’article L 442-6-I-5° du Code de commerce sur la rupture brutale de relations commerciales établies. En l’espèce, une société de courtage et un fournisseur d’énergie avaient conclu trois contrats de courtage successifs. Ces contrats avaient été signés respectivement le 4 février 2008, le 9 février 2009 et le 2 juin 2009 et comprenaient chacun une période d’essai de 4 mois. Le troisième contrat avait été résilié par le fournisseur d’énergie le 2 décembre 2009 au motif que son cocontractant n’avait pas réalisé l’objectif minimum fixé contractuellement. Une clause du contrat de courtage prévoyait en effet un objectif trimestriel minimum ainsi que la résiliation de plein droit du contrat si cet objectif n’était pas atteint. Un préavis de 30 jours était également prévu en cas de résiliation. Suite à la résiliation du contrat, la société de courtage avait assigné en justice son ancien partenaire pour rupture abusive de relations commerciales établies. Le Tribunal de commerce de Paris n’avait pas fait droit à cette demande, obligeant la société de courtage à interjeter appel. La Cour d’appel de Paris a quant à elle qualifié la rupture d’abusive. Cet arrêt de la Cour d’appel de Paris est intéressant car il précise une nouvelle fois les critères pour apprécier la reconnaissance d’une rupture brutale de relations commerciales établies notamment en ce qui concerne plus particulièrement deux points. Premièrement, cette décision revient sur les critères d’une relation établie. Le fournisseur d’énergie arguait qu’une relation établie ne pouvait être retenue en l’espèce car cette relation était constituée d’une succession de contrats à durée déterminée avec, pour chacun, une période d’essai conséquente. La Cour d’appel de Paris n’a pas suivi ce raisonnement, la précarité de la relation ne pouvant être retenue puisque « les parties [avaient] collaboré de façon continue et permanente » pendant 2 ans (« peu important que ce soit au travers de trois contrats, dès lors qu’ils se sont succédés sans interruption, caractérisant des relations commerciales stables, habituelles et durables »). Cette solution va dans le sens de l’arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2009 qui avait déjà retenu comme principe que « la qualification de relations commerciales établies au sens de l’article L.442-6-I-5° du Code de commerce n’est pas conditionnée par l’existence d’un échange permanent et continu entre les parties et qu’une succession de contrats ponctuels peut être suffisante pour caractériser une relation commerciales établie » (Cass. Com. 15 septembre 2009, n°08-19.200). Le deuxième intérêt de cet arrêt porte sur l’interaction entre une clause de résiliation de plein droit et l’application de la législation sur la rupture commerciale établie. En l’espèce, la Cour d’appel a rappelé que l’article L 442-6-I-5° du Code de commerce sur la rupture brutale de relations commerciales établies est d’ordre public et donc, que la présence d’une clause de résiliation de plein droit dans le contrat ne fait pas échec à son application. Dès lors, « le juge n’est pas tenu par le préavis défini contractuellement et garde toute latitude pour apprécier, d’une part, l’existence d’une inexécution par l’une des parties de ses obligation, d’autre part, si la durée est suffisante ou raisonnable ». Cet arrêt est, sur ce point encore, conforme à deux arrêts rendus par la Cour de cassation aux termes desquels la Haute Juridiction avait jugé que la présence d’une clause de résiliation dans un contrat n’empêchait pas aux juridictions de vérifier le respect des dispositions légales sur la rupture brutale (Cass. Com. 16 janvier 1996, n°93-16.257 ; Cass. Com. 9 juillet 2013, n°12-21.001). En définitive, dans l’affaire dont il est ici question, la Cour d’appel de Paris a retenu l’existence d’une inexécution puisque le courtier n’avait pas atteint les objectifs minimums prévus dans le contrat. Toutefois, au regard des deux ans de relations commerciales établies entre les parties, la Cour d’appel a ensuite jugé que le préavis de 30 jours prévu contractuellement était trop court. Le préavis raisonnable a alors été fixé par les juges à 4 mois. La Cour d’appel de Paris a donc condamné le fournisseur d’énergie au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive d’une relation commerciale établie, faute d’avoir respecté un délai de préavis suffisant.

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