Aux termes de l’article L 442-6, I-5° du Code de commerce :
« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…) 5° De rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (…) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ; »
Ainsi, peut engager sa responsabilité et, à ce titre, être condamné à payer des dommages et intérêts à son partenaire le producteur, commerçant industriel, etc. qui rompt, ne serait-ce qu’en partie, une relation commerciale établie avec un partenaire sans donner à celui-ci un préavis écrit proportionnel à la durée de la relation commerciale en question. Ce texte complète donc les articles 1134, 1147 et 1382 du Code civil qui posent de longue date, respectivement, le principe selon lequel les contrats font la loi des parties, le principe de la responsabilité contractuelle ainsi que le principe de la responsabilité délictuelle. En effet, l’objectif du législateur en instituant ces nouvelles règles était de mieux protéger le partenaire évincé, notamment du fait d’un déréférencement, que ne le permettait la simple application des articles généraux précités. L’article L 442-6, I-5° a d’ailleurs été reconnu comme une loi de police. En conséquence, il n’est pas possible d’y déroger. Personnes visées par l’article L 442-6, I-5° Seuls sont susceptibles d’être sanctionnés au titre de l’article L 442-6, I-5° du Code de commerce, les producteurs, commerçants, industriels et personnes immatriculées au répertoire des métiers. Ainsi, a contrario, ne peuvent être soumis à cet article en tant qu’auteur de la rupture d’une relation établie :
- les personnes morales relevant du droit civil ou du droit public,
- les associations,
- les collectivités territoriales,
- les personnes physiques n’ayant pas une profession commerciale ou artisanale.
En revanche, cela n’empêche pas ces dernières d’invoquer l’article L 442-6, I-5° si elles sont victimes d’une rupture brutale. Qu’est-ce qu’une « relation commerciale établie » ? La jurisprudence a tendance à interpréter la notion de « relation commerciale établie » de façon très large. Ainsi, la jurisprudence considère qu’il y a relation commerciale établie dès lorsqu’il y a régularité, caractère significatif et stabilité dans les rapports entre les parties, qu’il s’agisse d’une relation précontractuelle, contractuelle, voire postcontractuelle. Une relation commerciale saisonnière peut également constituée une relation commerciale établie. Par ailleurs, aucune distinction n’a à être faite selon que la relation est formalisée par écrit ou non. Une relation commerciale peut également résulter d’une succession de contrats (y compris de contrats différents que ce soit quant à leurs termes ou leur nature juridique). En revanche, telle n’est pas le cas en cas d’appel d’offres. Enfin, le statut juridique de la victime de la rupture est indifférent (contrairement à celui de l’auteur de la rupture). Il peut s’agir d’une victime directe (cocontractant de l’auteur de la rupture) mais également indirecte (par exemple un sous-traitant). Que faut-il entendre par « rupture » ? Par rupture, il convient d’entendre non seulement la résiliation d’un contrat par l’une des parties mais également le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée. Ainsi, sous certaines conditions, peut engager sa responsabilité sur le fondement de l’article L 442-6, I-5° du Code de commerce la partie qui ne renouvelle pas un contrat à durée déterminée sans avoir fait part de son intention à l’autre partie suffisamment à l’avance. De surcroît, comme le prévoit expressément l’article L 442-6, I-5° du Code de commerce, même une rupture partielle d’une relation commerciale établie peut engager la responsabilité de son auteur (par exemple un déréférencement partiel). Qu’est-ce qu’un préavis suffisant ? Relativement à la durée du préavis, l’article L 442-6, I-5° précise :
- la durée du préavis doit tenir compte de la durée de la relation commerciale et respecter la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (ou, à défaut, par arrêtés du ministre de l’économie),
- lorsque la relation porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur,
- lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l’application du principe général prévu ci-dessus lorsque la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d’au moins un an dans les autres cas.
Toutefois, à ce jour, seulement trois accords interprofessionnels ont été conclus et aucun arrêté ministériel n’est intervenu. Par ailleurs, même en présence d’usages professionnels ou d’arrêtés ministériels, le juge doit examiner si le préavis, qui respecte le délai minimal fixé par un accord, tient compte de la durée de la relation commerciale. Aux termes de l’article L 442-6, I-5° du Code de commerce, le préavis doit être donné par écrit. C’est cet écrit qui fera courir le délai de préavis. Toutefois, aucun formalisme particulier n’est exigé par les juges. Enfin, l’article L 442-6, I-5° du Code de commerce n’interdit pas de résilier un contrat sans délai, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Conséquences d’une rupture brutale Le préjudice susceptible d’être réparé sur le fondement de l’article L 442-6, I-5° du Code de commerce est celui causé par la brutalité de la rupture et non le préjudice causé par la rupture elle-même (v. notamment CA Lyon 6 novembre 2008 ; CA Paris 17 octobre 2008). Le montant des dommages et intérêts alloués à ce titre dépendra de chaque d’espèce. Pourront également être pris en compte les investissements non amortis réalisés par la partie subissant la rupture, le préjudice moral, etc. Prescription de l’action Depuis la réforme de la prescription intervenue en 2008, l’action en responsabilité pour rupture brutale de relations commerciales est prescrite au terme d’une période de cinq ans à compter de la rupture. CABINET FOUSSAT, Société d’Avocat, PARIS / BRUXELLES [email protected] – Tél. : +33 (0)1 45 74 64 65 / [email protected] – Tél. : + 32 (0)2 318 18 36