FOCUS SUR LES SANCTIONS PRONONCEES PAR LA COMMISSION NATIONALE DES SANCTIONS (CNS)

SANCTIONS COMMISSION NATIONALE DES SANCTIONS CNS

Comme nous avons eu l’occasion de le rappeler dans un précédent article, les pouvoirs de la CNS sont importants. Retour d’expérience sur certains pouvoirs de sanction de la Commission Nationale des Sanctions :

Pouvoir de sanction de la CNS : L’interdiction d’exercice d’une activité

L’interdiction d’exercer une activité avec effet immédiat et l’interdiction avec sursis

Les sanctions administratives imposées par la CNS diffèrent du fait de leur nature (blâme, amende, interdiction d’exercice, etc), mais aussi parce certaines sanctions peuvent être assorties d’un sursis.

Au titre de l’article L. 561-40, I, 3° du code monétaire et financier, la CNS peut prononcer une interdiction temporaire d’exercice d’activité ou de responsabilités dirigeantes. Le même article précise que cette sanction peut être assortie ou non d’un sursis. En effet, l’interdiction d’exercice est soit immédiate et effective dès le prononcé de la sanction, tandis que l’interdiction d’exercice avec sursis est conditionnelle, c’est-à-dire que sa mise en œuvre dépend du respect de certaines conditions par le professionnel durant une période définie.

L’interprétation de la Commission Nationale des Sanctions sur l’interdiction d’exercer une activité

Exemples de sanctions :
Sur 188 sanctions de la CNS en 2022, près de 63 interdictions temporaires d’exercice de l’activité ont été prononcées, assorties de sursis allant jusqu’à 12 mois d’interdiction (dont 3 avec effet immédiat).

  • Parmi ces sanctions, la décision du 30 novembre 2022 (dossier n° 2021-59) illustre une double interdiction temporaire d’exercice de l’activité de domiciliation d’une société pour une durée de 6 mois avec sursis, en parallèle de quoi la CNS a prononcé une interdiction pour les gérants d’exercer durant 6 mois avec sursis.
  • Autre exemple, avec la décision du 7 décembre 2022 (dossier n° 2021-40) : la CNS a prononcé à l’encontre d’une société l’interdiction d’exercice de l’activité de domiciliation avec effet immédiat pour une durée de 6 mois et une même sanction à l’égard de son gérant avec l’interdiction d’exercice de l’activité de domiciliataire avec effet immédiat pour une même durée.

Ces deux sanctions ont fait l’objet d’une publication nominative dans un journal.

Sur l’interdiction d’exercice d’une activité :
La CNS a prononcé ces sanctions pour des manquements identiques et relatifs aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de lutte contre le financement du terrorisme (LCB-FT) suivantes :

Bien que les manquements observés dans ces deux sanctions soient semblables, l’une d’entre elles (décision du 7 décembre 2022) impose une interdiction immédiate d’exercer, tandis que l’autre prévoit un sursis.

Cette différence résulte notamment des différents critères prévus à l’article Article L561-40, II du code monétaire et financier, que la CNS n’a pas manqué de souligner dans ses décisions. Il est établi que la détermination de la sanction et son quantum dépendent de la gravité et de la durée des manquements, du degré de responsabilité de l’auteur des manquements, de sa situation financière, de l’importance des gains qu’il a obtenus ou des pertes qu’il a évitées, de son degré de coopération lors du contrôle et de la procédure devant la commission ainsi que des manquements qu’il a précédemment commis.

Concernant la décision prévoyant le sursis, les responsables ont entrepris – selon la CNS – et ce, dès le contrôle, de se conformer aux exigences de la législation de LCB-FT et à mettre en place une organisation interne destinée à la mise en œuvre de leurs obligations et élaborer un protocole interne qu’ils continuent à parfaire. Tandis que dans la décision ne prévoyant pas de sursis, il convient de noter que le responsable n’a produit aucun document attestant d’une mise en conformité ou d’éventuels efforts en ce sens.

A la lumière de ces décisions, il convient de souligner que la Commission Nationale des Sanctions semble bien prendre en compte – afin de déterminer ses sanctions -les critères de l’article L561-40 notamment le caractère proactif du professionnel pour se mettre en conformité avec ses obligations LCB-FT. Cela est nettement perceptible dans la décision du 6 avril 2023 (dossier n° 2021-68) dans laquelle la CNS retient : « toutefois, il convient de tenir compte de ce que M. X a, dès le contrôle, commencé à remédier aux manquements relevés aux exigences du code monétaire et financier en matière de [LCB-FT] et d’assortir en conséquence lesdites interdictions temporaires d’exercer l’activité d’agence immobilière du sursis ;

La CNS précisait enfin dans son rapport d’activité 2022 que toute mise en conformité, y compris tardive ou incomplète est un élément qu’elle prendra en compte afin d’apprécier le niveau de sanction en ajoutant que « cette mise en conformité après contrôle devienne plus systématique et effective et intervienne bien plus tôt dans le processus ».1

Comment la CNS évalue-t-elle la coopération et conformité d’une entité pour déterminer une sanction ?

L’anonymisation des décisions de la Commission Nationale des Sanctions

Conformément à l’article L561-40 du code monétaire et financier, les décisions de la Commission Nationale des Sanctions sont publiées de manière anonyme dans plusieurs hypothèses :

  • 1° Lorsque la publication sous une forme non anonyme compromettrait une enquête pénale en cours ;
  • 2° Lorsqu’il ressort d’éléments objectifs et vérifiables fournis par la personne sanctionnée que le préjudice qui résulterait pour elle d’une publication sous une forme non anonyme serait disproportionné.
  • Lorsque les situations mentionnées aux 1° et 2° sont susceptibles de cesser d’exister dans un court délai, la commission peut décider de différer la publication pendant ce délai.

Selon son rapport annuel de 2022, la CNS a privilégié les publications nominatives, (26.20% des sanctions prononcées ont fait l’objet d’une publication au cours de l’année). La CNS indique d’ailleurs dans son rapport que la publication nominative est désormais la norme, tandis que l’anonymisation constitue l’exception.

Toutefois, dans la pratique, la Commission Nationale des Sanctions ne fournit pas de justifications spécifiques dans ses décisions concernant le choix entre l’anonymisation et la publication nominative des sanctions relatives à des personnes morales et physiques. Elle a soulevé à différentes reprises dans ses décisions que la publication nominative peut être parfois considérée comme disproportionnée.

Par conséquent, il apparaît que toute personne en défense face à la CNS devrait prendre en considération les critères prévus à l’article 561- 40 du code monétaire et financier pour motiver une publication anonymisée de la sanction et éviter d’entacher sa réputation et ses activités. Pour ce faire, il conviendrait de fournir des preuves objectives et vérifiables attestant qu’une telle publication par la Commission Nationale des Sanctions entraînerait un préjudice disproportionné pour la personne concernée.

Eléments pris en considération par la CNS pour atténuer la sévérité d’une sanction

A la lecture des différentes décisions de la CNS, on peut relever que cette commission prend en compte différents aspects en matière de coopération et de mises en place de leurs obligations par les personnes physiques ou morales avant de déterminer une sanction :

  • Décision du 6 avril 2023 (dossier n° 2021-68) : Les interdictions temporaires d’exercice de l’activité d’agence immobilière pour une SARL et l’activité d’agent immobilier pour son gérant ont été assorties d’un sursis du fait d’une remédiation aux manquements LCB-FT – dès le contrôle – par le gérant de la SARL.
  • Décision du 17 novembre 2023 (dossier n°2021-56) : Les interdictions temporaires d’exercice de l’activité de domiciliation pour une société et l’activité de domiciliation pour son gérant sont assorties d’un sursis notamment parce que le gérant n’a pas contesté les faits retenus, a justifié de sa volonté de se mettre en conformité quant aux obligations LCB-FT, et a engagé des actions et mesures notamment une cartographie des risques et le suivi d’une formation adapté.
  • Décision du 13 novembre 2023 (dossier n°2022-16) : La Commission Nationale des Sanctions a apprécié la volonté de la personne physique sanctionné de se mettre en conformité dès après le contrôle, également de son engagement pour la mise en place d’actions correctrices, mais aussi quant à son discernement et bon sens sur la présence d’opérations suspectes.
  • Décision du 1er décembre 2022 (dossier n°2021-47) : La CNS a tenu compte dans la détermination de la sanction de pièces complémentaires fournies justifiant de la volonté de se conformer aux obligations du code monétaire et financier.
  1. Rapport d’activité 2022, Commission nationale des sanctions, p16 ↩︎